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vendredi 30 décembre 2011

Exposition "Sorcières. Mythes et réalités"

L'Adresse Musée de la Poste
23 novembre 2011 au 31 mars 2012

© Anne-Sophie Lesage-Münch


Double, double, toil and trouble ;
Fire burn and cauldron bubble. 
(Shakespeare, Macbeth, Acte IV, sc.1)

"L'Europe des Esprits ou la fascination de l'occulte" au musée d'Art moderne et contemporain de Strasbourg, "Les fables du paysage flamand au XVIe siècle : du merveilleux au fantastique" au Palais des Beaux-Arts de Lille, "Von Schönheit und Tod. Tierstillleben von der Renaissance bis zur Moderne " (La Beauté et la Mort. Natures mortes animalières de la Renaissance à l'époque moderne) à la Staatliche Kunsthalle de Karlsruhe et maintenant la sorcellerie au Musée de la Poste de Paris... l'Etrange, le Macabre et l'irrationnel ont le vent en poupe, et ça fait du bien ! 

Ne nous réjouissons pas trop vite cependant... Halloween se mange une main d'ennui devant le scepticisme soupçonneux des français, les têtes de mort envahissent les culottes en coton jaune poussin tandis que les vampires s'appellent Bill et brillent au soleil comme une Barbie Sirène Surfeuse sous les guirlandes du sapin...
De fait, et comme toujours quand il s'agit de connaître et de comprendre, le salut n'est pas dans la démocratisation mais bien dans l'éclectisme et la curiosité. Mais glissons, glissons, ...

vendredi 11 novembre 2011

Happy DDay Martin !

11 novembre, jour du Souvenir.... certes... mais pas que...
A long long time ago in a galaxy far far away, à savoir  le diocèse de Candes au jour du 11 novembre de l'an 397, saint Martin, évêque de Tours, expira.

Quid de saint Martin, en bref... Fils de soldat devenu soldat bien malgré lui, Martin, originaire de Pannonie,  partit défendre la Gaule contre les envahisseurs barbares. En garnison à Amiens, il offrit la moitié de son manteau à un pauvre dévêtu, épisode parmi les plus célèbres de l'hagiographie du futur évêque qui donna naissance au thème iconographique dit de la "Charité de saint Martin". Le schéma traditionnel de ces images, qui se développeront sur la plupart des supports de l'art médiéval, comprend la figure de saint Martin à cheval, coupant un pan de son manteau à l'aide d'une épée pour l'offrir au pauvre hère qui se tient devant lui.
Saint Martin partageant son manteau
Bréviaire à l'usage de Paris - Maître de Bedford ; Maître de Boucicaut
Paris - vers 1414
Châteroux BM - ms - 0002 / f.404v
© IRHT
Las d'occire du barbare et décidé à vivre en "soldat du Christ", Martin se plaça sous la protection de saint Hilaire de Poitiers, inaugurant ainsi une longue vie de conversion, de lutte contre les hérésies et de miracles en tous genres. Attaqué par des voleurs, il convertit l'un d'entre eux, empoisonné à l’hellébore, il survécut à force prières ; il ressuscita un mort pour lui donner le sacrement du baptême, rendit la vie à un pendu afin qu'il fasse pénitence. 

dimanche 6 novembre 2011

Le vieux plomb de la semaine

Enseigne de pèlerinage : saint Léonard

Quand le "Vieux plomb de la semaine" rencontre l'actualité... 

Figurez-vous qu'aujourd'hui dimanche 6 novembre, nous (quoique pour ma part, cela reste tout de même très théorique), nous, donc, célébrons la Saint-Léonard ! Une commémoration illustrée fort à propos par l'un de ces proverbes dont je mets quiconque au défi de faire usage dans une conversation courante "A la Saint-Léonard, tout la vermine part !"

Mais commençons par le commencement... la "menue choseite de plon" du jour... 

Enseigne de pèlerinage : saint Léonard
Alliage de plomb et d'étain moulé - H. 50mm x 35mm
Prov. de l'abbaye Saint-Léonard-de-Noblac (Haute-Vienne)
1ère moitié du XIVe siècle
cons. Musée National du Moyen Âge - Thermes de Cluny (Cl.23431)
© Anne-Sophie Lesage-Münch


mercredi 13 juillet 2011

Exposition "Maya. De l'aube au crépuscule. Collections nationales du Guatemala" - Musée du Quai Branly (Partie I)

Tout vient à point à qui sait attendre...

En Février dernier, souvenez-vous, la Pinacothèque de Paris devait renoncer à son exposition Les masques de jade mayas pour cause de très gros refroidissement dans les relations franco-mexicaines... RIP l'Année du Mexique en France...

Le Musée du Quai Branly propose, depuis fin juin, sa propre excursion en pays maya à travers la présentation de plus de 160 oeuvres provenant des collections nationales du Guatemala.  Optant pour un parcours chronologique, l'exposition utilise les découvertes de sites récemment explorés pour retracer les grandeurs et décadences de la civilisation maya avant de se clore sur une série de photographies contemporaines visant à démontrer la permanence de pratiques ancestrales dans la société guatémaltèque actuelle.



Pour commencer, quelques repères chronologiques....


... et géographiques....



vendredi 15 avril 2011

Le Tableau du jour - 15 avril

Et oui ! les oiseaux chantent, mes chats perdent leurs poils et voilà que renaît ma petite rubrique "le tableau du jour" qui fait sur ce blog sa première apparition.... allez, on applaudit pour l'encourager !

Le 15 avril 1452 au coeur de la campagne florentine, dans la bourgade de Vinci, venait au monde un petit Leonard qui allait révolutionner le monde de la pensée et des arts. Pour fêter cet heureux évènement, certains passionnés pourront aller faire un pèlerinage dans les salles du Louvre (pas besoin d'être chômeur puisque ce soir, c'est nocturne au musée !), d'autres se contenteront de ce billet...

Notre tableau du jour sera donc celui-ci, le Saint Jean-Baptiste,  toile d'une étrangeté magnétique devant laquelle je finis toujours béatement plantée au milieu de la Grande Galerie.

Leonard de Vinci, Saint Jean-Baptiste
Huile sur panneau de bois - 69 x 57 cm
1513 - 1516
Musée du Louvre, Paris

              Je ne vous parlerai pas de l'effet d'émergence de la figure, de sfumato ou encore de travail de la lumière. Je m'arrêterai simplement sur la figure de saint Jean-Baptiste, le Précurseur, le dernier prophète, patron de Florence et de nombreuses corporations de métiers, notamment des couteliers (la décapitation ça prête à patronage...). Pour bien fixer les esprits, on rappellera simplement que JB prêchait la venue du Messie dans la région du Jourdain, invitant les fidèles à un baptême de pénitence, qu'il opéra le baptême du Christ lui-même et mourut en martyr, décapité sur la demande de Salomé.

Avant, dans l'histoire de la peinture, les représentations de JB c'était plutôt ça : 

                
                    Paolo Veneziano
                 saint Jean-Baptiste (détail)
                  peinture sur bois
                1354
               Musée du Louvre, Paris
Giovanni del Biondo
Retable de saint Jean-Baptiste
Tempera sur bois
1360 - 70
Collection Bonacossi, Florence
Lippo Memmi
saint Jean-Baptiste
Tempera sur bois
vers 1325
Lindenau-Museum, Altenbourg

                On gagnait en ermite ce qu'on perdait en jeune pâtre grec... Depuis les premières représentations de l'art paléochrétien, la figure de saint Jean-Baptiste a connu de nombreux types iconographiques : le philosophe, le berger avec sa houlette, le prête de l'Ancien Testament, le martyr, etc. Mais celui qui le définit véritablement dans l'imaginaire collectif, c'est celui de l'anachorète vivant au désert, hirsute, barbu et émacié, vêtu d'une tunique en poils de chameau et mangeant des sauterelles. Pour Pastoureau, cet aspect est présent dans l'art depuis l'époque de Constantin, soit le IVe siècle ; pour Emile Mâle, on doit sa diffusion en Occident au XIIe siècle à la peinture byzantine où le JB ascète est conçu comme un modèle fondamental du monachisme à l'oriental.

 
Français 241, f.49v
1348
Geertgen tot Sint Jans
Huile sur bois
1485-1490
Gemaldegalerie

Florin d'or - XIVe
Saint Jean-Baptiste se caractérise traditionnellement dans l'art par la présence d'un attribut particulier: l'Agneau. Non pas le charmant bovidé éponyme de notre petite Agnès, mais bien l'Agneau divin, le Christ lui-même, à la fois sacrifié et rédempteur. Il est bien entendu que cette association se fonde sur la célèbre parole de JB voyant le Christ marcher devant lui : "Voici l'Agneau de Dieu" (Jn, 1, 36). Si bien que l'on ne compte plus les différentes adaptations du motif : agneau dans un médaillon (ou plutôt une auréole), Agneau crucifère à l'extrémité d'un bâton, l'agneau présenté sur le Livre, l'agneau réel paissant, etc.  Second attribut, et non des moindres, la croix à longue hampe, semblable à celle dont les artistes dotent le Christ lors de la Résurrection. 

***

             Que conserve de cette tradition picturale et exégétique (l'un allant rarement sans l'autre) le saint Jean-Baptiste réalisé par de Vinci ? Plus de pilosité inculte, de silhouette éthique ou de regard exalté. Toute trace d'ascétisme a été effacée. Disparue la tunique en poils de chameau ceinturée à la taille ; la peau de bête s'enroule mollement autour de son corps à la mode antique. Figure juvénile aux boucles cuivrées arborant le sourire de celui qui sait, ce Jean-Baptiste n'est pas simplement un génie des eaux déguisé en saint. Il tient à la main une fine croix de bois qui flotte dans l'ombre et accompagne l'élan du bras. Ce geste vers l'Ailleurs nous le rencontrons déjà dans les représentations antérieures, il signifie le rôle même du prophète : désigner l'Invisible. Danseur à la grâce apollinienne, Jean-Baptiste nous invite à nous déprendre de la beauté de cette apparition pour nous tourner vers le Vrai, le Beau ou le Bon, qu'importe comment vous le nommerez, vers ce qui est de toute éternité, au-delà de l'ombre du monde. Saint Jean-Baptiste devient ainsi une figure archétypale de la métaphysique de la Lumière.


That's all folks !



mardi 12 avril 2011

Le vieux plomb de la semaine



Après dix jours à tourner autour de mon éditeur de texte comme une hyène autour d'une carcasse, se demandant par quel bout l'attaquer, je me décide enfin à redonner un peu de sang neuf à ce blog laissé en jachère depuis bien trop longtemps...

Notre vieux plomb de la semaine n'est autre qu'un méreau de la corporation des boulangers de Paris, conservée au Musée National du Moyen Âge - Thermes de Cluny. Voilà la bête, tadaa !

 

Vous n'êtes pas beaucoup avancés ? ça va venir...
Comme d'habitude, prenons les choses dans l'ordre : que voyons-nous ? Un disque métallique d'un peu moins de 3mm de diamètre (ou bon là, je vous aide) présentant sur ses deux faces un décor historié. 
                Sur la face A est figuré un évêque (chasuble, mitre et crosse) dont la tête est nimbée (signe qu'il s'agit d'un personnage saint) ; de la main droite, il semble présenté un élément sphérique. L'espace est clairement défini : le sol est figuré par une zone de guillochis, des rinceaux végétaux emplissent le champ. Bien... brisons là le suspens, il s'agit de saint Honoré, évêque d'Amiens du VIe siècle et patrons de boulangers.

Miniature - Angers-BM-SA 3390 / f.011
Paris - 1493
Copyright IRHT-CNRS
                Ce patronage trouve son origine dans un récit légendaire, celui du "miracle du fourgon"... Honoré, fils d'une riche famille, aimait à regarder la préparation du pain au cuisine. Un jour, il confia ainsi à sa nourrice son désir de devenir prêtre. Occupée à enfourner son pain, la pauvre femme s'amusa de la déclaration de l'enfant et s'écria : "Tu seras évêque quand ma pelle aura des feuilles !"... les voies du Seigneur étant impénétrables et souvent croquignoles, le fourgon de bois pris racines et se changea en un arbre splendide (tant qu'à faire) chargé de feuilles et de fruits.
                 Il n'en fallait pas plus pour que l'attribut caractéristique de l'iconographie de notre saint devienne la fameuse pelle de boulanger chargée de pains. 

Et pourtant point de pelle sur notre plomb... quid de ce pain rond (c'était donc cela..) que notre saint brandit fièrement ? Bon alors, j'ai ma petite idée... Une petite souris philologue m'a dit que le terme "boulanger" viendrait de l'ancien français bolla signifiant pain rond. Du coup, notre sainte miche serait le produit emblématique de la profession et pourrait même tenir lieu de figure parlante ! Vous trouvez que je m'emballe ? Attendez, c'est pas fini ! la forme circulaire... le pain... ça ne vous rappelle rien ?


             Voilà, vous y êtes. Or, les récits qui peuplent la vie de saint Honoré racontent qu'un jour, alors qu'il célébrait la messe de Pâques, la main du Christ apparut, se saisit d'une hostie et lui donna la communion. Une évocation de ce miracle ? Cela se peut.
             En outre, la présence de ce pain rappelle le rôle du boulanger dans la fabrication du pain eucharistique tout en signifiant la dimension symbolique du pain dans ces sociétés chrétiennes médiévales. Ainsi, les rinceaux présents dans le champ évoquent certes le "miracle de la pelle" mais sont également une image de la vie, tant matérielle que spirituelle, tout comme le pain.


***

Ceci étant dit, passons à la face B. La scène est ici profane. Elle présente un artisan boulanger, en tenue de travail et étrangement coiffé d'une petite toque garnie d'une plume (je vous le dis tout de suite, je n'ai pas d'explication à cela). Représenté dans son activité quotidienne, l'artisan apparaît ici enfournant une pelle (ou fourgon) chargée de deux pains dans un four rond. Comme sur le revers, le champ est orné de rinceaux.
              

De quoi s'agit-il ? C'est là qu'une petite définition du méreau s'impose... et on ne soupire pas au dernier rang...


              
Le méreau est un objet monétiforme, terme barbare s'il en est signifiant qu'il adopte la forme d'une monnaie sans pour autant en avoir les fonctions. Durant le Moyen Âge, il tenait lieu de jeton, de bon-pour ou encore de ticket, si on veut lui donner des équivalents actuels. Ce type d'objet apparaît probablement au XIIe siècle mais son usage ne se développera véritablement qu'aux XIVe et XVe siècles où on lui connaît pas moins d'une vingtaine de fonctions. 
              Produit par des personnes privées ou des collectivités d'ayant pas le droit de battre monnaie, il pourra être utilisé comme pseudo-monnaie, sans valeur réelle mais déterminée par des conventions locales. Distribués aux chanoines ou aux prêtres, les méreaux attestent de la présence aux offices (au cas où il viendrait à l'esprit de certains malinoux de sécher les vêpres...) ; les méreaux ecclésiastiques peuvent également être distribués aux pauvres qui peuvent les échanger contre des biens en nature ( de la nourriture, bande de vicieux...). Ces pièces peuvent également servir d'attestation et de règlement d'un travail ou encore d'un péage. On connaît également des méreaux de compte, utilisés pour les opérations comptables, et des méreaux de jeu.

         Les corporations de métiers, quant à elles, éditaient toutes sortes de méreaux. Certains étaient offerts comme signe d'admission dans la communauté, d'autres étaient distribués lors de fêtes laïques ou religieuses afin d'être échangés contre des rafraîchissements (glissons sur les écarts gastronomico-éthyliques qui ponctuaient annuellement la fête du saint patron...). Enfin, certaines pièces, d'un plus petit diamètre servaient de jetons de contrôle, délivrés après inspection des maîtres jurés.
La plupart cependant étaient utilisés comme jeton de présence aux assemblées de la corporation et devaient être remis à l'entrée dans la salle. On peut donc supposer que notre méreau, daté du XVe siècle, a été coulé à cette fin. La fonction de l'objet est donc peu ou proue établie, mais son intérêt ne s'arrête pas là...
               L'ensemble des méreaux de corporation utilisés dans un contexte laïc (à distinguer des méreaux émis dans le cadre de confréries religieuses liées aux métiers) présentent une face à décor religieux, figurant généralement le saint patron, et une face à décor profane que l'on orne de l'emblème de la corporation. Cette coutume participe du mouvement de vulgarisation de l'héraldique qui caractérise la fin du Moyen Âge. Corporations, artisans et marchands se dotent de sceaux, des blasons, de bannières où s'affiche l'emblème, le signe conventionnel, qui dira leur identité, leur vertus ou leur fonction. 
Méreau de la corporation des tailleur de robes
Emblème : la paire de ciseau
                La plupart des corporations orneront leurs méreaux des outils les plus représentatifs de leur profession ou encore des produits qui les caractérisent le plus. Les boulangers parisiens, eux, choisissent de mettre à l'honneur le geste de l'artisan.

            On peut envisager qu'il s'agit là d'un choix par défaut, le produit (le pain) étant en soit peu identifiable de même que l'instrument. La présence du four et du fourgon permettrait de caractériser à coup sûr la profession. Mais cette hypothèse n'épuise pas les significations de l'image. Ne peut-on pas voir ici une mise en oeuvre des valeurs chrétiennes du travail ? Cette image n'exprime-t-elle pas une certaine fierté de l'artisan, conscient du caractère vital de son activité au sein de la ville ? Le savoir-faire se traduit ici non pas par la ressemblance du produit fini ou par la justesse de l'outil mais bien par l'attitude et la maîtrise du geste. La question reste pleinement ouverte et je crois savoir à quoi vont se consacrer mes neurones dans les jours à venir.... Affaire à suivre.