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jeudi 7 octobre 2010

"D'or et de feu" : l'art slovaque s'expose à l'Hôtel de Cluny / # 1

Le Musée National du Moyen Âge se met à l'heure slovaque. Depuis le 16 septembre dernier vous pouvez découvrir  dans la salle du frigidarium des thermes gallo-romains une exposition organisée en partenariat avec la Galerie Nationale de Bratislava qui propose une initiation à l'art en Slovaquie à la fin du Moyen Âge

Aujourd'hui état indépendant, la Slovaquie constitua pendant près de mille ans la partie septentrionale du Royaume de Hongrie. Cette "Haute-Hongrie", va connaître à partir du XIVe siècle un essor extraordinaire. Sa puissance économique, fondée sur l'exploitation minière, apporte la prospérité et avec elle sa cohorte de grands commanditaires venus de pays germaniques.
La Slovaquie devient ainsi l'un des principaux foyers artistiques du XVe siècle, s'imposant comme un représentant majeur de cette "troisième Europe" qui, aux portes de l'Islam, ne cesse de s'épanouir à la frontière des mondes latin et orthodoxe
Cette diversité culturelle et religieuse permet l’émergence de figures artistiques locales qui, effectuant "une synthèse des styles des régions environnantes, [génèrent] un art qui leur est propre, fait de monumentalité et de sens dramatique".

En 2009, l'exposition "Le Bain et le Miroir" consacrait la réouverture de cet espace muséal hors du commun que sont les vestiges des termes de Cluny, en particulier cette splendide "salle froide" dont la voûte de 15m de haut vient de faire l'objet d'une importante campagne de restaurationClair et grandiose, le frigidarium met parfaitement en valeur la soixantaine d'oeuvres exposées dont les couleurs flamboyantes et la richesse décorative se dessinent sur fond de parement gallo-romain en briques et calcaireLe parcours muséographique s'organise en trois temps : 
1. L'art des retables : peinture de panneaux et sculpture ;
2. L'orfèvrerie en Slovaquie : un art de synthèse
3. Les manuscrits enluminés et les lettres d'armoiries dans le royaume de Hongrie au Moyen Âge.

Il est temps, à présent, d'approcher d'un peu plus près ces chefs-d'oeuvres...
Ndlr : Le présente article s'intéresse en priorité au premier temps de l'exposition, non par favoritisme mais par souci d'illustration. Les pièces d'orfèvrerie, exposées en vitrine dans la pénombre des therrmes, ne pouvaient faire l'objet de clichés réellement satisfaisants, tandis que mon petit coeur de conservateur en devenir n'a pas pu se résoudre à mitrailler  les manuscrits présentés...

Christ tenant l'âme de la Vierge de Spissky Stvrtok
Bois (tilleul) - autrefois polychrome
Nuremberg - après 1450
Kosice, Vychodoslokenska galeria

Elément de retable, cette sculpture illustre un thème iconographique de la tradition byzantine : le Christ et l'animula de la Vierge. Cette image, fortement conceptualisée, représente le Christ recevant l'âme de sa mère au jour de sa mort (ou Dormition de la Vierge). De nombreuses icônes associent ainsi le groupe des apôtres pleurant sur le corps de la Vierge au Christ tenant dans ses bras un jeune enfant emmailloté, allégorie de l'âme de la Theotokos ("Mère de Dieu"). Cette image est liée à la croyance devenue dogme selon laquelle la Vierge, au terme de sa vie terrestre, aurait été élevée en corps et en âme à la gloire céleste. Le schéma iconographique retenu par l'artiste reproduit ici celui des Vierges à l'Enfant médiévales. 



Trône de Grâce
Bois (tilleul), polychromie
Comte de Spis ou Saris - vers 1500
Bardejov, église catholique romaine Saint-Gilles

Ici encore la mise en oeuvre d'une iconographie qui mérite quelques précisions... il s'agit du thème dit du "trône de grâce" qui associe le Christ, Dieu le Père et la colombe du Saint-Esprit (ici manquante). Cette image par essence synthétique (non-narrative) se présente donc comme une représentation de la Trinité ; elle est à ce titre également appelée "Trinité verticale". Ce thème, qui n'a pas de sources bibliques directes, se développe à partir du IVe siècle : Dieu le Père en majesté apparaît présentant son Fils crucifié, la colombe faisant le lien entre leur deux visages. A partir du XIVe, le thème gagne en pathétique et c'est dorénavant le cadavre du Christ que le Dieu le Père soutient et présente au croyant.


Relief de la Nativité dit de Hlohovec
Bois (tilleul), polychromie
Vienne et Bratilava - vers 1480/1490
Prov. Cathédrale Saint-Martin, Bratislava
Bratislava, Sloveska narodna galeria


Cette oeuvre surprenante permet d'apprécier les grandes caractéristiques de l'art des retables slovaques : la monumentalité, l'opulence des décors et la complexité de la structure architecturale.

Sculptures des saints hongrois Etienne et Ladislas
Bois (tilleul), polychromie
Comté de Spis - début du XVIe siècle
Budapest, Magyar Nemzety Galeria


Saint Etienne  Ier de Hongrie est considéré comme le fondateur du Royaume de  Hongrie. Converti au catholicisme à l'âge de dix ans, il est couronné le roi le jour de Noël de l'an 1000 et imposera le christianisme en Hongrie.
Saint Ladislas Ier fut roi de Hongrie de 1077 à 1095 et canonisé en 1192 pour avoir achever la christianisation du royaume. 

 
Saint Nicolas Saint                                     Saint Nicolas de Plavec
Bois (tilleul), polychromie
Comté de Spis - fin du XV et début du XVIe siècle
Bratislava, Slovenska Narodna galeria / Bardejov, Sarisske Muzeum
Les trois sphères que tient ici le saint dans sa main gauche font référence à l'un des épisodes de sa vie, celui dit des trois bourses d'or. Apprenant qu'un homme, réduit à la plus extrême des pauvreté, envisageait de prostituer ses trois filles, saint Nicolas leur fit en secret une dotation en jetant par la fenêtre de leur maison trois sac de pièces d'or. Les jeunes filles purent ainsi se marier et échapper à un destin tragique. Rapporté par Voragine, cet épisode fait de saint Nicolas une des principales figures de doteur charitable.

Deux évêques provenant de Marianka
Bois (tilleul)
Vienne - après 1500
Bratislava, Slovenske Narodne muzeum, Historicke muzeum

Vierge d'Annonciation
Bois (tilleul), polychromie / 148,5 cm
Vienne et Bratislava - vers 1480/1490
Vel'ky Biel, église catholique Sainte-Croix